Christian Buchet, grand témoin des 20 ans de La Cité de la Mer « Dans aucun autre endroit, la mer n’est traitée comme on le fait ici, à La Cité de la Mer, c’est à dire dans ses approches humaines » !

 

Christian Buchet, tout à la fois historien et économiste de la Mer, fut Secrétaire Général du Grenelle de la Mer en 2014, Au même moment, à Cherbourg Bernard Cauvin, PDG de La Cité de la Mer s’interrogeait sur les grandes thématiques pour refondre son espace d’exposition permanente. Après le Grenelle de la Mer, Christian Buchet va accompagner les équipes de La Cité de la Mer et devient conseiller scientifique du nouvel espace L’Océan du Futur ouvert en 2019. 

 

1- Conseiller scientifique de La Cité de la mer sur le parcours Océan du Futur, comment présenter l’Océan et ses grands enjeux climatiques au grand public ?

La Mer est la plus formidable des moissons jamais offertes aux hommes. Sans la mer on ne passe pas, on ne passe plus et pour une raison simple : une grande partie de la population mondiale est concentrée autour de la mer. En 2025, 75% de la population mondiale sera agglutinée sur une bande littorale mondiale de 75 km de large. Malgré les menaces, la mer suscite un vent d’optimisme : d’après les 327 experts du Grenelle de la mer, l’océan contient la quasi-totalité des solutions que je qualifierai non pas de durable mais de « désirable ». 

Par ailleurs, la mer doit être abordée dans ses quatre dimensions. On voit toujours la mer comme un rideau bleu, horizontal, qui a été le fruit du commerce et le rideau séparant le pêcheur de la sirène, mais ce n’est qu’une des dimensions de la mer. 

  • La 2e dimension prend en compte « l’épaisseur de l’eau ». La Cité a d’ailleurs une adn très poussée sur la pénétration de l’humain dans l’eau avec le sous-marin Le Redoutable. 
  • La 3e est « le sol terrestre immergé » : (72% des terres de notre planète sont immergées). 
  • La 4ee dimension concerne la biodiversité (différence sous-sol marin/sol terrestre). 

2- Malgré les menaces qui pèsent sur l’Océan, quelles sont les raisons d’espérer ?

Le programme de recherches Océanides, qui a réuni 264 chercheurs issus de 40 pays et que j’ai eu le privilège de piloter, a pesé le poids de la mer dans l’histoire de l’humanité. Depuis, on sait qu’en tout temps et en tous lieux, le fait de se tourner vers la mer, c’est surfer sur les vagues du succès et de la réussite, du progrès et du bien-être. Les solutions sont connues et la France dispose d’atouts. Jamais, de toute notre histoire, même au plus haut de la période napoléonienne, le pays n’a été aussi grand que depuis 1994 et l’application des accords de Montego Bay, qui fait de la France le 2e domaine maritime au monde avec plus 11 millions de Km2. La France talonnant les Etats-Unis, l’Australie étant en 3e position, loin derrière… 

Océanides montre aussi que nous rentrons dans un 3e temps de l’histoire caractérisé par le maritime. Au moment où nous basculons dans cette nouvelle ère, il se trouve que la France n’a jamais eu autant d’opportunités. Il est temps de faire mentir la phrase d’Éric Tabarly : La mer pour les français, c’est ce qu’ils ont dans le dos lorsqu’ils regardent la plage. Or, la mer est une formidable lanterne d’opportunités au niveau énergétique, de la santé, du tourisme, de la construction… bref la mer est un booster de développement désirable. Dans l’Océan du Futur et dans l’espace sur les promesses de la mer, La Cité de la Mer traite précisément de tout cela. 

3- Quel est le lieu que vous préférez à La Cité de la Mer ? Quel moment marquant avez-vous vécu à La Cité de la Mer.

Ce que j’aime à La Cité de la Mer, c’est la diversité de ses espaces. Passionné par les sous-marins, j’adore Le Redoutable. Je ne vous cache pas que je suis aussi fasciné par l’épave du Titanic depuis mon plus jeune âge. J’ai adoré cette scénographie. On rentre dans l’aventure et on est pris au corps ! Parmi les moments les plus marquants, la première édition de #GénérationOcéans qui avait rassemblé plus de 2500 jeunes en octobre 2019 a été un moment de transmission inoubliable. Plus généralement, j’ai eu un coup de cœur pour Bernard Cauvin. C’est un bonheur que de travailler avec les équipes de La Cité de la Mer !

4-Vous êtes souvent intervenu lors de conférences à La Cité de la Mer et vous allez de nouveau intervenir en 2022. Quels messages souhaitez-vous faire passer aux jeunes et à la #GénérationOcéan ?

Je me rends compte que plus on parle de la mer et plus les gens sont passionnés par la mer. La mer est un univers que l’on ne connaît pas mais qui recèle de promesses et de solutions d’avenir. Plus on avance et plus nous découvrons que nous ne connaissons que très peu de choses, alors que nous émanons du milieu marin. En plus, on s’aperçoit que la mer est en avance sur l’Homme en matière de R&D, comme nous le prouve tous les sujets autour du bio mimétisme. J’invite chacun et particulièrement les jeunes à contempler la mer et à s’en inspirer. L’océan nous amène à garder un regard émerveillé. En ce sens, les expéditions de la fondation TARA OCEAN sont fascinantes. La mer, c’est l’assurance vie de l’humanité ! Les jeunes ont plein de choses à nous apprendre. La raison d’espérer ce sont les jeunes, même si parfois il faut corriger certains de leurs excès et leur faire prendre du recul ! Autre signe positif : en France, nous avons maintenant une Ministre de Mer de pleine autorité, ce qui n’était jamais arrivé. Certes ça ne fait pas une politique maritime mais le vent marin commence à nous saisir. Il faut donc hisser les voiles et embarquer la jeunesse ! 

5- De quelle Cité de la Mer rêvez-vous ? Quel sera La Cité de la Mer demain ?

Je rêve que La Cité de la Mer devienne le Puy du Fou de la Mer. Un label qui s’exporte ! J’imagine la future Cité de la Mer non pas comme un espace muséographique interactif mais comme un espace de jeu dans lequel le visiteur va s’émerveiller, jouer, rêver, apprendre. On travaille actuellement avec les équipes de La Cité de la Mer sur deux projets en cours : on aimerait d’abord recréer un parcours aventure, avec un fil rouge, à la manière des enfants du capitaine Grant, héros de Jules Verne. Nous souhaitons aller plus loin dans ce que la mer provoque d’écho en nous ! L’objectif serait de parcourir 4 espaces : le chaud, à travers les îles, et les atolls ; le froid, à travers la découverte de l’arctique et l’antarctique ; le fonds des mers, qui est quand même la spécificité de La Cité de la Mer avec Titanic et l’imaginaire aux mille couleurs. 

On souhaite une dimension ludique, imaginative et très humaine composée comme une ode au voyage. Nous devons continuer à maritimiser les esprits. Le but ce n’est pas d’apprendre et de se rassurer en apprenant, le but c’est de vivre pleinement et de respecter la mer. Il faut sortir et prendre le large et penser la mer en prenant en compte ses 4 dimensions : la terre n’est pas « un espace fini », contrairement à ce que disait Paul Valéry !

Nous souhaitons faire partir en mer les visiteurs de manière entraînante parce que c’est là où se joue la vie, l’aventure, le bonheur, le bien-être. Il s’agit d’une démarche qui incite le grand public à se jeter à l’eau, pour que vive la vie et que vive la mer !